Comment les grandes cultures s’adaptent-elles au changement climatique ?

Le secteur agricole est au cœur des problématiques climatiques, subissant frontalement des aléas de plus en plus intenses, de plus en plus nombreux. Dans cet article, nous verrons comment les grandes cultures sont impactées par le réchauffement climatique, et quelles stratégies peuvent être mise en place pour leur assurer plus de résilience.

Un mot sur le contexte climatique

Tous les rapports du GIEC (le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) sont indéniables : des changements climatiques majeurs sont en cours, et nous en voyons déjà les effets, partout dans le monde. Les simulations montrent effectivement que le réchauffement à long terme, à horizon 2100, pourrait dépasser les +4°C en Europe. Ce réchauffement arrivera avec son lot d’aléas, plus intenses, plus nombreux (des précipitations intenses au Nord et plus rares au Sud de l’Europe, de longues périodes de sécheresse auxquelles vont succéder des épisodes de pluie intense, des vagues de chaleur plus fréquentes…).

Le secteur agricole, notamment les grandes cultures (céréales, oléagineux et protéagineux), est en première ligne du changement climatique : il le subit de plein fouet tout en y contribuant en partie par l’émission de gaz à effet de serre. Réseau Action Climat détaille la place toute particulière que l’agriculture tient dans les politiques publiques liées aux changements climatiques, en tant que : 

  • Secteur contribuant directement au phénomène (en 2012, l’agriculture représente 20,5% des émissions de gaz à effet de serre en France)
  • Activité ayant un fort potentiel de stockage carbone, selon les pratiques agricoles mises en place (les haies, l’agroforesterie, le taux de matière organique dans les sols…)
  • Secteur produisant des substituts aux combustibles et matériaux fossiles
  • Et enfin, en tant que secteur affecté par les changements climatiques

C’est pourquoi il est essentiel que l’agriculture s’adapte à ces changements, tout en agissant pour en atténuer les effets.

Les effets du changement climatique sur les grandes cultures

Nous allons maintenant faire un focus sur les grandes cultures et la manière dont elles sont impactées par les évolutions climatiques. Pour rappel, en 2020, les grandes cultures représentaient 47% de la surface agricole utile (SAU) en France, soit 12,7 millions d’hectares. Les surfaces en céréales, oléagineux et protéagineux représentaient 90% de cette SAU (INSEE).

Sur les dernières années, le secteur agricole français a été marqué par de nombreux événements climatiques. Nous pensons tout d’abord aux sécheresses, plus intenses, plus nombreuses, qui impactent du semis jusqu’à la récolte en provoquant des stress hydriques importants, un décalage des dates de semis (voire des mauvaises conditions de semis). Pour certaines céréales, cela aura un impact direct sur les rendements. En effet, depuis 20 ans, nous observons une intensification des déficits en eau pendant la phase de remplissage des grains de blé. Conjugué avec une hausse des jours avec une température de +25°C, on obtient des grains mal remplis (INRAE).

Toujours d’après l’INRAE, nous observons une anticipation des stades clés d’évolution (bourgeonnement, floraison, récolte) de nombreuses grandes cultures sous climats méditerranéens et tempérés, la sortie des épis de blé se produit ainsi près de 10 jours plus tôt qu’il y a 20 ans. La conséquence est directe : les plantes captent le rayonnement du soleil moins longtemps, ce qui réduit les rendements.

Ensuite, le risque de gel s’accroît. Si l’augmentation globale de la température en hiver le rend moins fréquent, nous notons toutefois que l’accélération du cycle de développement des céréales augmente son impact puisqu’il a lieu à des stades d’évolution où les céréales sont plus sensibles (ARVALIS).

Enfin, les aléas extrêmes tels que les vagues de chaleur, les canicules et les fortes précipitations vont avoir un impact différent selon le stade de croissance des céréales, mais peuvent provoquer une augmentation du risque d’échaudage, du déficit hydrique, ou une perte de la qualité sanitaire en cas d’excès d’eau.

impacts des changements climatiques sur les grandes cultures

Si l’impact négatif du changement climatique sur les grandes cultures est observé de manière générale partout en France, nous allons tout de même observer des impacts positifs selon l’espèce et le stade de croissance. Cette diversité, complexité peut notamment s’illustrer par l’exemple de la betterave sucrière qui, cultivée dans le Nord de l’Europe, a profité de l’avancement de son cycle sans être perturbée par une baisse de la disponibilité en eau.

Les défis posés par le changement climatique aux grandes cultures

L’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable (APAD) met en avant plusieurs défis distincts posés par le changement climatique aux grandes cultures et aux exploitations agricoles.

La modification des calendriers de semis et de récolte

Le changement climatique a déjà commencé à perturber les calendriers de semis et de récolte que l’on connaissait jusqu’à présent, et ce, pour plusieurs raisons. Certaines cultures, qui dépendent d’un temps froid pour leur croissance, ont vu leur saison de croissance raccourcie.

D’autres cultures qui nécessitent des températures plus chaudes, telles que le maïs, ont vu leur saison de croissance s’allonger. De plus, des précipitations insuffisantes ou trop rares peuvent retarder, ou au contraire accélérer le moment de la récolte. Par exemple, des pluies abondantes vont venir retarder celle du blé, et une sécheresse prolongée va venir accélérer celle du maïs.

En plus de la modification des dates traditionnelles de récolte, nous pouvons penser que de nouvelles régions de cultures, jugées par le passé trop fraîches, vont se développer, et de nouvelles possibilités de cultures apparaîtront dans certaines régions.

La hausse des besoins en irrigation

La raréfaction des épisodes pluvieux au printemps et en automne dans de nombreuses régions va conduire à une hausse des besoins en eau, donc en irrigation des cultures de printemps.

La perturbation des travaux des champs

A l’avenir, avec un nombre de jours très humides plus faibles, l’intervention du machinisme agricole devrait être facilité, notamment lors de la récolte du maïs, ou encore de la préparation des semis d’hiver. Cependant, nous pouvons de plus en plus observer une pluviométrie exceptionnelle, notamment une augmentation des pluies méditerranéennes (des quantités très importantes d’eau en très peu de temps), rendant les champs impraticables et augmentant la déstructuration de la surface du sol et le risque d’érosion. De plus, l’eau s’infiltre moins ou plus du tout dans les sols, suite à la formation d’une croûte de battance.

Les stratégies d’adaptation des grandes cultures au changement climatique

Le projet “ANR/CLIMATOR – Changement climatique, agriculture et forêt en France” mené et dirigé par l’INRAE, également cité plus haut, propose un certain nombre de pistes de solutions pour faire face au changement climatique pour les grandes cultures. Les voici, avant d’en développer 3 plus en détail :

solution face au changement climatique pour les grandes cultures

Choisir de nouvelles variétés résistantes aux aléas climatiques extrêmes

Toutes les variétés culturales n’ont pas la même résilience face aux aléas climatiques qui s’intensifient. C’est ce que souligne l’ADAP. Alors que les cultures d’hiver (blé tendre d’hiver, orge, seigle…) vont être moins impactées notamment lors des températures élevées, les cultures d’été (tournesol, maïs…) pour lesquelles la floraison est un stade important, verront leur rendement plus fortement impacté par les fortes chaleurs. De nouvelles stratégies devront alors être mises en place pour limiter les effets néfastes sur les rendements, en utilisant notamment des variétés et précocités différentes.

Changer l’assolement

L’adaptation des assolements est vue comme un réel levier pour faire face au changement climatique, et c’est une dynamique que l’on observe déjà depuis les années 2000 notamment suite au développement de nouvelles cultures, ou à la migration de certaines vers le nord (tournesol, blé dur, maïs).

Cependant, nous voyons un dilemme économique apparaître lorsqu’il s’agit d’adapter l’assolement avec des cultures identifiées comme plus résilientes (tournesol, sorgho, chanvre ou encore pois chiche) mais moins rentables que le blé, le maïs ou encore le colza. Le facteur économique est donc identifié comme un des freins, toujours d’après l’ADAP, à l’adaptation des assolements face aux nouvelles conditions climatiques que connaît le secteur agricole.

La technologie a-t-elle un rôle à jouer ? Illustration avec l’agrivoltaïsme

L’agrivoltaïsme est une pratique combinant agriculture et photovoltaïque. Son objectif ? Allier production d’énergie solaire à une production agricole sur le même espace. Encadré depuis 2023 par la loi pour l’Accélération des Énergies Renouvelables (ou loi APER), une installation agrivoltaïque doit apporter au moins l’un des quatres services suivants : 

  • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques
  • L’adaptation au changement climatique
  • L’amélioration du bien-être animal
  • La protection contre les aléas climatiques

En 2023 sur un de ses sites agrivoltaïques pilotes en grandes cultures situé en Bourgogne, Ombrea a pu observer des résultats positifs sur certaines grandes cultures. En effet, un meilleur rendement a été constaté sur le blé d’hiver et les lentilles, respectivement +26% et +17,8% sur la parcelle agrivoltaïque, comparé à la zone témoin. Ces résultats encourageants ont été observés dans un contexte de faible précipitation, et seront challengés sur les années à venir.

Si l’agrivoltaïsme en est encore à ses débuts, nous pouvons espérer qu’il s’agisse d’une des solutions qui pourra permettre aux céréaliers pour faire face aux aléas climatiques.

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